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Elisabeth Bagaaya, Princesse de Toro

HABWA OBUKAMA, HABWA ABABIITO, HABWA BANTU BOONA

(Pour la monarchie, la noblesse et le bien être du peuple)

La princesse Elisabeth Bagaaya est la fille du Roi Omukama G. D. Rukiidi III de l'Ouganda. 

Elle voit le jour en 1940 à Kabalole, capitale de Toro, région située à l'ouest de l'Ouganda, et qui autrefois faisait  partie de l'Empire Bunyoro-Kitara (regroupant  l'actuel Burundi, Rwanda, Tanzanie, Congo (RDC ) et Ouganda), indépendante à partir du 18ème siècle. 

C'est en 1967 que Toro perdra son statut de royaume, lorsque le gouvernement de Milton A. Obote (premier chef du gouvernement ougandais après l'indépendance de 1962 à 1971) décidera d'abolir la monarchie.

Armoiries du Royaume

du Bunyoro-Kitara

A propos de l'Empire  du

Bunyoro-Kitara

L'état du Bunyoro -Kitara a été crée sur les ruines de l'ancien Empire divinisé des Bachwezi de Kitara au XVIème siècle entre les Lacs Victoria, Edouard et Albert dans la région dite des Grands Lacs et dont on ne sait d'ailleurs que peu de choses . C'est un Prince du nom de Chwa qui va assurer l'expansion du petit état en faisant de fréquents raids dans le Rwanda voisin et créer la dynastie Babiito. Le règne de Kyebambe III Nyamutukura (1786- 1835) va être perturbé par la rébellion de ses fils dont l'un va créer le Royaume du Toro. Pourtant prévenu par l'une de ses filles, Kyebambe avait refusé d'y croire. Force fut de constater que son fils préféré prenait vraiment les armes… Cette amputation du royaume va être durement ressentie par Kyebembe III et ses successeurs qui n'auront de cesse de tenter par tous les moyens de reconquérir le Bunyoro.

Mais à la fin du XIXéme siècle, l'activité économique et religieuse du petit royaume va commencer à péricliter suite à de multiples guerres de succession. Le Toro va se séparer du Bunyoro amenant avec lui le principal atout économique du royaume, les mines de sel. De fait, le sud du Rwanda qui était assujetti au Bunyoro va progressivement acquérir son indépendance et abandonner les Omukama (Rois) sans que ceux -ci n'agissent militairement pour autant.

Les Omukamas vont alors se tourner vers un nouveau commerce plus lucratif qu'est la vente d'ivoire. Les explorateurs européens et les mercenaires qui les suivent en sont friands. L'omniprésence politique du Bouganda va obliger les Rois du Bunyoro à s'armer afin d'éviter une éventuelles annexion. Le Bouganda devenu protectorat britannique en 1890, le Bunyoro se voit menacé par les colons anglais qui ne soucient guère des frontières naturelles de cet état. Même le Bouganda parvient à saisir les provinces de Kooki et Buddu sans rencontrer de résistance. Devenu Omukama à seize ans en 1869, Cwa II Kabalega a débuté son règne dans le sang. A son père décédé (Kyebambé IV Kamurasi à 47 ans), une régence s'est installée. Une guerre civile éclate et Olimi VI Kabugungu est installé à sa place. Pour peu de temps puisque quelques mois après son accession au trône en 1873, Olimi VI est renversé à son tour par les troupes de Cwa II et tué (sait- on jamais !) L'Omukama se veut le digne successeur du fondateur homonyme du Bunyoro en 1520. Il décide avec succès de reconquérir le Toro perdu. Ce sera chose faîte en 1876. L'arrivée des européens dans son royaume va bouleverser ses visées expansionnistes. Le 14 Août 1891, le Toro lui est repris par les nouveaux colons. Cwa II ne le supporte pas et prends les armes.

Le Bunyoro va résister à l'armée anglaise jusqu'au 30 Juin 1896, date à laquelle il va être capturé et exilé au Seychelles, son royaume devenant un protectorat britannique. Les anglais ont la rancune tenace. Une partie du territoire de Cwa II sera incorporé au Bouganda, juste récompense aux alliés du moment. Le Bouganda décide de gérer le Toro comme partie intégrante de son royaume. Malgré le couronnement le 3 Avril 1898 du Roi Guillaume (William) Karukara Kitahimbwa, les bougandais sont à la tête du pays gouverné par un enfant de dix ans.

Les Bunyorois n'apprécient guère l'autoritarisme bougandais qui les privent même des banals postes administratifs auxquels ils ont droit. Se plaindre à l'occupant anglais qui pratique son sacré saint home rule ne servirait à rien. Pis leur roi fantoche ne résiste pas. Sa mort le 17 Septembre 1902 passera presque inaperçue. Heureusement Duhaga II qui lui succède est peu enclin à accepter cette situation. En 1907, le Bunyoro se soulève contre les Bougandais. La révolte est rapidement écrasée ; Duhaga II restera en place puis se fera progressivement l'allié des anglais. D'ailleurs lors de la première guerre mondiale, le Bunyoro fournira des troupes aux alliés.


C'est son successeur Tito Winyi IV (né en 1883) qui récoltera les fruits de cette alliance. L'état du Bunyoro se verra accorder plus d'autonomie en 1934 et va se fondre dans celui du Bouganda . C'est à ce titre que l'état du Bunyoro va subir et vivre tous les bouleversements de l'Ouganda.

Le 8 septembre 1967, le royaume du Bunyoro est aboli. Winyi IV doit s'exiler tant la haine d'Obote envers les souverains traditionnels du pays est forte. Il meurt en 1971 au moment où des accords allaient voir le jour avec le Président Idi Amin Dada. Du moins, c'est ce que toute la famille royale croyait.

Il faudra attendre le 24 Juillet 1993 pour que Solomon Iguru Ier retrouve le trône de ses ancêtres mais privés de ses pouvoirs régaliens. En effet, Museveni se veut moins royaliste que le roi mais plus absolu que le souverain qui est couronné le 11 Juin 1994.

Iguru règne toujours sur le Bunyoro en 2007 à 68 ans. Museveni a cependant un œil sur ce petit état. Un mouvement séparatiste est né dans les années quatre vingt- dix et clame sa volonté de se séparer de l'Ouganda En 2005, le monarque a réclamé devant un tribunal la restitution des terres annexés par le Bouganda (débouté un an plus tard par la justice de Kampala). Iguru n'a jamais annoncé son soutien à ce mouvement mais gageons que si l'avenir lui redonnait cette indépendance perdue, il en serait le digne souverain.



Source: www.histoiredelafrique.fr



Lady Kezia Byanjeru, mère de Bagaaya, était la Première Epouse Royale et légale du Roi Omukama, ce qui confère à Bagaaya le titre de Batebe, c'est à dire de "Première Princesse Royale".

Toutefois, ce titre ne lui empêche pas de partager le même style de vie que ses  demif-frères et demi-soeurs, nés des autres épouses de son père. Les princes et princesses ont une éducation à l'anglaise, mais à côté de cela, leur père tient à ce qu'ils aient une éducation traditionnelle et qu'ils aient une connaissance pointue de l'histoire de la l'empire de Bunyoro-Kitara.

Bagaaya fréquente la Kyebambe Girl's School, l'école de la mission protestante de son royaume qui porte le nom de son grand-père (ce dernier s'était converti au christianisme) et y jouit de certains privilèges dus à son rang.

Mais une fois au collège, ces privilèges vont disparaitre complètement. Et pour cause, la Gayaza High School fait parti du Royaume de Buganda, et non au Royaume de Toro. Bagaaya est obligée de participer aux activités de l'école comme tous les élèves, sans aucune distinction.

Quelques années plus tard, Bagaaya est envoyée en Angleterre pour y poursuivre ses études. Elle est alors inscrite à Sherborne, une institution scolaire pour filles où, non seulement la jeune femme se voit soudainement confrontée à une autre culture, mais doit faire face à sa différence raciale, au milieu d'autres jeunes femmes issues de l'aristocratie occidentale. La vie sociale et scolaire n'a rien de facile, tout est si différent pour Bagaaya.

 


Entre 1959 et 1962, après avoir quitté Sherborne, Bagayaa étudie le droit, l'histoire et les sciences politiques à l'Université de Cambridge, en Angleterre, l'une des plus réputées du pays.
Son entrée à Cambridge lui permettra de tisser des liens avec personnalités très influentes qui, plus tard, joueront des rôles clés dans sa carrière. C'est d'ailleurs à Cambridge que Bagaaya rencontrera Jomo Kenyatta, qui deviendra président du Kenya entre 1963 et 1978.
Les études de droit de la Princesse de Toro la conduisent ensuite à Londres où elle décroche son diplôme de Droit en 1965, devenant ainsi la première femme avocate de l'Afrique du sud, centrale et australe.

Cependant, cette même année, Bagayaa doit faire face à un terrible malheur: la mort de son père! Outre la douleur de perdre celui qui était son confident et son ami, elle voit se peindre à l'horizon un future politique plus qu'incertain, vu le désir ardent du président Obote de bannir la monarchie d'Ouganda.



Bagaaya retourne en Ouganda cette année là pour assister aux funérailles de son regretté père et assister par la même occasion au couronnement de son frère, le Roi Omukama Patrick D. Kaboyo Olimi VII, (en 1966)

 

La princesse Bagaaya, enfant, aux côtés

de sa mère, Lady Kezia Byanjeru

Durant cette cérémonie retransmise par la presse internationale, caméras et appareils photos sont constamment tournés vers  la Princesse Bagaaya. La surprise est à son comble, et pour ceux qui la connaissent mais ne l'avaient plus revue depuis des années, et pour ceux qui ne la connaissent pas et qui, tout à coup, prenaient conscience de l'existence de la très belle princesse du Royaume de Toro.
 

En 1967, la carrière d'avocate de Bagaaya la dirige à Kampala, capitale de l'Ouganda, où elle travaille au barreau.
Mais juste au moment où elle s'apprête à débuter sa carrière, le paysage politique de l'Ouganda change de façon soudaine et spectaculaire! Le président Obote décide d'abolir la Constitution de 1962 qui préservait les monarchies d'Ankole, Bunyoro, Buganda et Toro et de le remplacer par une nouvelle constitution républicaine. Bagaaya se voit contrainte de quitter l'Ouganda et de retourner à Londres.



Si Elisabeth Bagaaya ne parviendra malheureusement pas à percer dans l'univers juridique londonien, c'est un évènement inattendu qui donnera un tournant décisif à sa carrière. En 1967, la  Princesse Margaret et son mari, Lord Snowdon, proposent à Bagaaya de défiler à un la British Fashion Show qu'ils organisent. Ces derniers avaient rencontré Bagaaya lors d'une visite officielle en Ouganda en 1962. Bagaaya, fervente adepte de la mode, ne refuse pas une seconde. Ce qu'elle ne sait pas, c'est que ce défilé va lui ouvrir les portes du monde la Haute Couture, et bien plus encore. En effet, après ce défilé, elle est présentée aux plus grands couturiers qui lui proposent des contrats intéressants. Et dans cette nouvelle carrière qui commence, Bagaaya n'hésite pas à partager sa culture africaine auprès de ces grands couturiers. L'univers de la haute-couture lui ouvre également les portes du Théâtre et du Cinéma. Elle travaille pour Vogue, Harper's Bazaar et pose pour Queen Magazine. Elle rencontre notamment Jacqueline Kennedy, grâce à qui les portes de la Haute Couture Américaine vont s'ouvrir à elle. Ainsi, c'est dans le pays de l'Oncle Sam que Bagaaya travaille pour Ebony et devient la première femme de couleur à apparaître dans un magazine de haute-couture (celui de Harper's Bazaar).

Bagaaya brille de par cette nouvelle position, à tel point que les Nations Unies lui confère une importance notoire, séduites par sa rhétorique. L'ironie du sort est qu'Amin en devient lui-même jaloux. Voilà que son porte-parole lui fait ombrage et a plus de popularité que lui! Le président se décide même à demander la main de la Princesse pour être associé directement à elle, mais elle refuse. Amin se sentant très rabaissé par ce refus, évoque une histoire d'amour que Bagaaya aurait eu avec un "blanc" lors d'un voyage diplomatique à Londres pour la rayer de ses fonctions.

Amin Dada avait minutieusement préparé un guet-apens à l'encontre de Bagaaya, qui dès son arrivée en territoire ougandaise devait être emprisonnée. Avertie du danger, la Princesse décide de ne plus revenir et de demander l'asile politique à la Grande Bretagne. 

En 1986, sous le gouvernement de Museveni, elle devient ambassadrice de l'Ouganda auprès des Etats-Unis. Episode non moins tumultueux que celui de son rôle de Porte-Parole d'Amin Dada! La Princesse de Toro se rappelle par ailleurs que la tâche la plus lourde à accomplir pour elle à cette période était de donner une explication rationnelle sur les liens unissant Museveni à Khaddafi, ce dernier étant perçu comme un Marxiste aux yeux des Américains.

 

 

Lorsque le calme revient en Ouganda, Bagaaya songe de plus en plus à retourner sur sa terre natale. C'est alors qu'un élément politique et historique vient l'encourager: Idi Amin Dada renverse le gouvernement d'Obote par un coup d'Etat en 1971. Bagaaya va alors rejoindre le gouvernement d'Amin Dada et devenir Ambassadrice Itinérante, jouant le rôle de messager d'Idi Amin, parcourant un état à l'autre et un pays à un autre. Tous les contacts qu'elle avait pu se faire dans la passé grâce à son passage à Cambridge et sa carrière dans la mode se révèlent être très utiles et bénéfiques. Et le moins qu'on puisse dire, c'est que parmi  les relations de la Princesse sont comptées les personnes les plus influentes de la planète, chacune d'elles, une clé qu'elle utilisera à des moments opportuns.



Toutefois, Bagaaya se rend bien compte que le gouvernement d'Amin Dada n'est pas si "propre" que ça. Il devient difficile pour elle de continuer à jouer le rôle de son porte-parole. Amin qui ne veut surtout pas perdre un élément aussi efficace que son Ambassadrice, la nomme Ministre des Affaires Etrangères en février 1974. Bagaaya continuera donc à soigner l'image du président de par le monde.





Idi Amin Dada, ex-président de l'Ouganda 

En décembre 1986, Elisabeth de Toro perd son époux, Wilbur Nyabongo. Cet évènement douloureux, ajouté aux pressions intenses qu'elle subit en tant qu'Ambassadrice de l'Ouganda aux USA, affaiblissent Bagaaya moralement. Elle décide de démissionner en Juillet 1988.
 

Ses activités aux Etats-Unis où elle vivra momentanément se limiteront à promouvoir les causes de l'Afrique dans une émission télévisée nommée: Elizabeth of Toro: The Odyssey of an African Princess (en 1989).

Cette Reine et Héroïne d'Afrique à la grâce époustouflante, aux qualités oratoires indéniables et à l'intelligence pétillante, a pu utiliser tous ses atouts pour servir les siens, servir son pays et son continent. On peut aisément reconnaître qu'elle eut toutes les opportunités pour mener une vie paisible et complaisante en Occident, mais en aucun cas, il eut de sa part un quelconque désir de s'occidentaliser et d'oublier ses origines. Jamais n'est-elle restée sourde à l'appel de sa terre natale, se rappelant certainement sa véritable place et son devoir: celle de la princesse de son peuple.

Natou Pedro-Sakombi

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